mercredi 16 janvier 2013

Dans une poignée de poussière

Je ne suis pas mystique ni paranoïaque (et pourtant Dieu sait s’Ils m’en veulent), mais j’ai parfois l’impression que l’Univers entier se démène pour m’envoyer des messages. Et il prend son temps. Il y a environ vingt ans, je lisais pour la première fois Le Pistolero, premier tome de La Tour Sombre, de Stephen King. En exergue, on peut y lire la phrase suivante, tirée du poème La Terre vaine, de T. S. Eliot : « Je te montrerai ton effroi dans une poignée de poussière ». Cette phrase et l’image qu’elle véhicule ont eu un impact très fort sur moi à l’époque, et continuent de m’évoquer des mondes épouvantés et désertiques encore aujourd’hui. Pourtant, je n’avais jamais, jusqu’à il y a quelques mois, pensé à lire l’œuvre dont elle est extraite, peut-être par crainte que, recontextualisée, elle perde de sa force émotionnelle.


C’est en écoutant Mélanie Fazi en parler lors d’une rencontre à la librairie Charybde (en juillet 2012, je crois) que j’ai accepté de considérer que La Terre vaine était autre chose qu’une simple citation. À travers cette intervention, l’Univers me faisait comprendre qu’il était temps de m’y coller sérieusement, après ce premier appel du pied d’il y a vingt ans – et répété avec toujours plus d’insistance à chaque lecture du Pistolero, quatre fois au total, sans compter les quatre fois du tome 3 de La Tour Sombre dont le titre d’un chapitre est inspiré de cette même citation. J’ai donc acheté le livre et l’ai rangé dans ma bibliothèque en me promettant de l’en ressortir quelques semaines plus tard. Évidemment, je l’ai oublié.

Mais l’Univers est tenace. L’Univers n’aime pas qu’on l’ignore, fût-ce involontairement. Est-ce l’Univers qui, subrepticement, minutieusement, m’a plongé dans un état d’esprit tel que j’ai eu besoin de lire quelque chose de drôle, de déjanté ? Dans quelle mesure est-il intervenu quand mon choix s’est porté sur Tous à Estrevin !, de Lafferty ? En tout cas il est certain qu’il savait, l’Univers. Il savait qu’Epikt, la machine ktistèque du livre, évoquait cette poignée de poussière pleine d’effroi. Il savait que j’allais tomber dessus.

Alors oui, Univers, tu as gagné, je vais lire La Terre vaine. Promis. Enfin, après que j’aurai fini Outremonde. Et peut-être qu’avant je vais lire Le Diable est au piano, de Léo Henry, parce que quand même, c’est Léo Henry. Ah, et puis il y a Les Soldats de la mer, aussi, des Rémy. Tu ne voudrais pas m’empêcher de lire Les Soldats de la mer, n’est-ce pas ? Mais bon, je sais que tu me rappelleras à l’ordre quand tu auras jugé que j’ai trop tardé – à nouveau. Peut-être qu’alors tu me la feras mordre, la poussière, pour être resté si longtemps sourd à ton appel.

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