mercredi 13 février 2013

Les médicaments imaginaires

J’ai horreur de tomber malade (comme à peu près tous les hommes, paraît-il). Non pas à cause de l’altération de ma santé ni l’état de zombification avancée dans lequel cela me plonge parfois. Mais parce que cela m’empêche de dormir, seul plaisir de la journée après le millefeuille au chocolat de la boulangerie à côté du bureau. Et puis quand je tombe malade, mon appartement devient un vrai nid à médicaments. J’en laisse traîner dans tous les coins, à portée de main même s’ils ne servent à rien, comme une sorte de rempart censé me rassurer. Mon pharmacien m’aime bien, pour ça.

Franchement, ça fait pas envie ?

Mon autre moyen de lutter contre les microbes et l’insomnie, c’est d’éparpiller au pied de mon lit une autre sorte de médicament : des livres et des BD. J’en mets à peu près quatre ou cinq sur le tapis, dont la présence m’évite de me demander ce que je vais bien pouvoir faire si je ne dors pas de la nuit. En général, vu que le sommeil me gagne malgré tout, ils finissent par prendre la poussière le temps que je guérisse, avant que je les remette dans leur bibliothèque. Toutefois, cela me permet parfois de changer de bouquin dès que l’ambiance du précédent devient un peu trop glauque ou inadaptée à une nuit sereine. L’autre jour, je lisais Pas Sidney Poitier, de Percival Everett, dont la rencontre à la librairie Charybde une semaine plus tôt avait fait remonter le roman sur ma pile à lire. Alors que le premier chapitre était franchement drôle, le second était beaucoup plus sombre, relatant l’arrestation du héros noir par des flics d’un comté ultra raciste et son incarcération dans un centre de travaux forcés qui rappelle plus l’esclavage que la prison. Une situation poussée à l’extrême, qui m’a mis profondément mal à l’aise, bien que le ton du narrateur ne soit nullement catastrophiste. J’ai donc sorti l’arme ultime pour me remettre du baume au cœur avant d’éteindre la lumière : un volume de Calvin & Hobbes, la BD la plus joyeuse du monde, un truc qui pourrait faire rire n’importe qui, même René-Marc D., petit entrepreneur de l’est parisien.


Calvin & Hobbes, c’est un concentré de bonne humeur : les aventures d’un petit garçon de 6 ans malicieux, farceur, colérique, qui fait vivre à ses parents et à sa voisine Suzy un enfer que le Diable en personne leur envierait. Affublé de son inséparable tigre en peluche, Hobbes, à qui il donne vie dans sa tête, Calvin s’interroge sur le monde contemporain et en invente d’autres pendant les cours. Doué d’une imagination et d’une énergie sans limites, il nous renvoie à notre enfance aussi bien qu’à notre condition d’adulte, faisant preuve d’une acuité intellectuelle rare doublée d’une absence totale de talent pour les études. Bill Waterson, son créateur, fortement inspiré par les Peanuts de Charles Schultz, a créé un tandem qui restera pour moi une source d’amusement et de réflexion inépuisables, malgré la relativement courte période d’existence de la série (10 ans, alors que les Peanuts en ont duré 50). Car l’auteur décida de lui-même d’arrêter la BD en 1995, craignant de tomber dans une routine qui nuirait à la qualité de son œuvre. Ce dont on ne peut le blâmer.


Après avoir relu des dizaines de fois les 24 albums parus en français, le plaisir est intact. J’ambitionne même de tout relire en version originale, et harcèle mes libraires depuis plusieurs mois pour qu’ils me dégottent l’intégrale en anglais. Ils ont intérêt à la trouver. Ce n’est pas une menace, c’est un avertissement.

Non, en fait, c’est bien une menace.


1 commentaire:

  1. Jules,

    Un seul moyen pour convaincre ces (branques) de libraires de Charybde et Scylla d'obtenir ce que tu demandes : la batte de baseball (en métal de préférence ; attention à ne pas se froisser un muscle au moment de porter des coups aux rotules desdits libraires, au cas où ils feraient de la résistance).

    Tu verras, ta commande arrivera dans les 7 jours ouvrés.

    Ton dévoué,

    Hippolyte A.

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