mercredi 23 janvier 2013

Avec circonspection


Il doit y avoir environ 350 livres qui attendent sagement dans mes bibliothèques que je veuille bien les ouvrir. Je n’y peux rien : je lis lentement et j’achète beaucoup. Je me suis souvent fait la promesse d’arrêter d’acquérir des livres plus vite que je ne les lis, pour aussi souvent laisser tomber cette belle résolution. La faute à des libraires sadiques qui nous attirent dans leurs antres sous des prétextes fallacieux (dédicaces, rencontres, discussions ou pire, bière et apéro) et qui nous mettent sous le nez des ouvrages que l’on ne peut ignorer.

À quoi cela sert-il d’acheter des livres qu’on ne lira probablement jamais ? Déjà, j’ai pour le moment la chance de pouvoir me les payer. Cela ne durera peut-être pas, et alors j’aurai de quoi tenir pour les périodes difficiles. Mais surtout, et puisque je parlais de promesse : les livres en sont pleins. Qu’elles soient contenues dans le titre, le quatrième de couverture, des passages lus au hasard ou encore l’apologie d’un lecteur enthousiaste, elles esquissent des mondes, des personnages, des histoires, une écriture, qui nous charment inconsciemment, nous intriguent. Le mystère qui entoure ces œuvres à découvrir me procure un plaisir qui égale parfois celui de la lecture. « Allez-vous-en, il existe d’autres mondes que ceux-ci ! », dit Jake au Pistolero dans La Tour sombre. Les livres me font un peu cet effet. Cela ne change pas la vie mais rassure un peu dans les moments difficiles.

Dès lors, quand je choisis un livre à entamer, je recherche celui dont le mystère a agi suffisamment longtemps sur mon inconscient, comme un fruit qui aurait convenablement mûri. Je lui tourne autour avec circonspection, en me demandant si c’est le bon moment, si l’univers qu’il paraît proposer est en adéquation avec mon humeur. J’en sors quelques autres, je compare, je pèse le pour et le contre, et je me décide. Le plus souvent, le choix est bon, l’harmonie s’installe immédiatement. Parfois, il y a des déceptions, ou plutôt des erreurs de jugement. Cela m’est arrivé récemment avec L’Univers, d’Hubert Haddad. Je suis au final content de l’avoir lu, mais il ne correspondait pas à ce à quoi je m’attendais. J’aurais dû le lire plus tôt, j’avais eu le temps de m’en faire une idée erronée.

Avec circonspection. C’est amusant, car il y a deux semaines, je n’aurais pas utilisé cette expression. Disons que je n’en connaissais pas le sens véritable, ou plutôt j’en avais une vague idée mais ne savais pas vraiment à quelle occasion la sortir. Il y a parfois des mots, comme ça, qu’on a la flemme de chercher dans le dictionnaire, dont on déduit le sens du contexte dans lequel on l’a lu ou entendu la première fois. Cela dit, cette compréhension « intuitive » fait partie intégrante du processus d’apprentissage de la langue et contribue, selon moi, à son enrichissement. Les mots ne pourront jamais décrire précisément un objet, une idée, dès lors pourquoi ne pas admettre l’interprétation, de subtils décalages sémantiques qui peuvent donner de jolis résultats ? (Je n’ai rien en tête mais j’imagine que les poètes, et globalement les écrivains, font cela très bien.)

Mais je m’égare. Je suis retombé sur cette expression dans Outremonde, de DeLillo. Et là pour le coup j’ai sorti mon dictionnaire, parce que je n’avais pas envie de passer à côté de quelque chose. Circonspection : « Prudence, réserve en actes et en paroles »(1). C’est simple en fait. Et j’aurais dû m’en douter, avec mes cinq ans de latin ! Je me donne parfois l’impression d’être intellectuellement fainéant(2). Ou de ressembler à Perceval dans Kaamelott


Cela dit j’aime bien chercher des mots dans le dictionnaire. Une fois la définition lue, l’œil s’égare sur la page et tombe sur des mots totalement inconnus. Je ne les retiens pas forcément mais j’ai l’impression d’être un peu moins bête(3). Et puis des fois on tombe sur des trucs étranges. Par exemple, la contingence côtoie sur la même page la contraception. Allez essayer de comprendre un concept philosophique (dont un vague souvenir vous fait regretter de ne pas avoir mieux écouté en cours de terminale) et de le situer dans le contexte du livre que vous êtes en train de lire (en l’occurrence Marelle, de Julio Cortazar), quand on vous met sous les yeux le système reproducteur féminin pris d’assaut par un stérilet ou un pénis encapuchonné de caoutchouc ! Bon, je n’irai pas jusqu’à mettre mon incapacité à comprendre ce concept sur le dos du hasard de la mise en page du Petit Larousse, mais quand même…


À propos de Marelle, j’en reparlerai un peu plus dans un prochain billet. Je dis ça juste parce que je ne sais pas comment conclure celui-ci…


(1) In Le Petit Larousse Illustré, édition 2005
(2) Je t’entends, toi, au fond, dire « ce n’est pas qu’une impression » !
(3) Ok, là, ce n’est qu’une impression…

1 commentaire:

  1. Quand j'aurais plus de sous pour acheter des livres, je viendrais t'en piquer... J'aurais du choix et tu n'y verras que du feu ! Bon je te l'accorde, ça fait beaucoup de km à faire pour quelques livres.

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